La fabrication

manuelle des brosses

La fabrication manuelle des brosses est un savoir-faire d’exception toujours pratiqué pour les brosses de toilette de luxe et certaines brosses industrielles. Dans ce mode de fabrication, les montures sont d’abord percées. Puis le montage (l’assemblage des fibres et de la monture) est effectué à la main au moyen d’un fil textile ou métallique. Le perçage et le montage manuels sont des opérations virtuoses.

Histoire et savoir-faire

Les procédés dits français et anglais

Il existe deux types de montage manuel : l’un dit français ou à la ficelle, l’autre dit anglais. Comme dans d’autres domaines (métallurgie, cuisine etc.), les qualificatifs nationaux sont anciens sans que l’on connaisse précisément leurs origine, date et l’exactitude de leur attribution géographique. 

Le procédé à la ficelle, sans être dit français, est décrit en 1765 dans l’Encyclopédie de Diderot. L’existence d’une autre technique est citée mais sans description ni nom. A la même époque, l’Angleterre est une productrice importante de brosses. Les tabletiers de l’Oise débutent la fabrication de brosses à dents vers 1810, peut-être avec des techniques importées d’Angleterre.

Tours de main et main d'oeuvre

Les deux procédés demandent une grande l’habileté. Il faut manipuler les fibres, le plus souvent des soies glissantes, et prendre des pincées régulières (une petite machine peut aider à jauger et saisir les pincées). Il faut aussi acquérir assez de la rapidité pour monter. Le montage s’effectuant en tirant sur un fil, la traction répétée demande de l’effort.

 

Ce travail manuel qui demande peu d’outillage a longtemps été pratiqué à domicile par des femmes. Comme il nécessite de la sensibilité digitale, il était aussi confié à des aveugles, notamment aux soldats blessés de la guerre de 1914-1918. Le montage manuel a diminué à partir de l’entre-deux-guerres parallèlement aux progrès de la mécanisation. Depuis les années 1970, il n’est plus majoritaire mais existe toujours en France.

Le montage "à la ficelle" ou "à la française"

Technique

La monture en bois est percée mécaniquement de part en part. Pour garnir chaque trou, la monteuse (ou le monteur) fait ressortir d’un trou, avec un crochet, la ficelle ou le fil de laiton qui forme une boucle. La monteuse prend une pincée de fibres et la passe dans la boucle pour former la touffe ou loquet (les fibres pliées en deux). La monteuse tire sur le fil qui maintient la touffe dans la monture. On continue ainsi de suite pour chaque trou. Une fois le montage fini, pour le protéger et le cacher, on cloue un couvercle en bois.

Les brosses montées à la ficelle

Cette méthode peut être utilisée pour des brosses industrielles, par exemple pour des brosses circulaires dont les fibres sont orientées vers l’intérieur (dans ce cas, il n’y a pas d’autre possibilité de montage).  Le montage à la ficelle était autrefois très utilisé pour les balais et brosses de ménage, pour les brosses de toilette, notamment pour les brosses à dents à monture en os (pour celles-ci, on n’ajoutait pas de couvercle).

 

 

 

Le perçage à la main des montures en os, étroites et dures, était d’une difficulté redoutable.  Après le perçage, les trous étaient reliés par un trait de scie qui formait une rainure. Une fois le montage fini, on comblait celle-ci à la cire. Pour les brosses de toilette et de ménage de luxe, la monture garnie de fibres pouvait être insérée dans une monture en argent.

Le montage dit "à l'anglaise"

Ce procédé est employé pour les brosses de toilette de luxe à montures en bois précieux, ou en plexiglas. L’emploi d’ébène, de bois de rose etc. est possible car le perçage et le montage main permettent, une fois les fibres usées, de conserver la monture et de remonter la brosse. Si vous possédez une brosse avec une monture de valeur, il est possible de la regarnir de fibres.

Le perçage et le contreperçage

 

Les montures de ces brosses demandent une préparation minutieuse et un double perçage. La monture est d’abord percée verticalement aux deux-tiers à la machine. Puis elle est “ contrepercée ” à la main horizontalement, pour relier les trous verticaux. Cette opération virtuose est réalisée au moyen d’un foret très fin dirigé par un contreperceur. Le foret est actionné par un petit moteur. 

Les difficultés du contreperçage

La difficulté réside d’abord dans le façonnage du bout du foret en losange pointu dit “ langue d’aspic”. Il faut le forger et l’affuter en biseau pour qu’en tournant, il perce la matière. Ensuite durant le contreperçage, le contreperceur guide le foret à l’aveugle, dans une monture opaque avec des courbes. Pour contrôler l’avancement du foret, il s’aide d’une petite fourche qu’il fabrique aussi. Il l’introduit dans les trous verticaux pour sentir et orienter le foret. 

Il faut plusieurs années d’apprentissage et de pratique pour maîtriser le contreperçage et ses subtilités : certaines matières chauffent, d’autres laissent des résidus qui bouchent les trous etc. Le contreperçage est d’autant plus délicat qu’il est pratiqué dans des montures coûteuses.

 

Le montage

Pour monter une monture contrepercée, la monteuse la fixe dans un étau placé devant elle. Elle introduit dans un trou de contreperçage un cordonnet plié en deux. Puis, comme dans le montage à la ficelle, elle fait sortir avec un crochet, une boucle d’un trou vertical.  Elle passe dedans une pincée de soies, tire le cordonnet qui insère et maintient la touffe dans la monture.

La monteuse garnit ensuite tous les trous d’un rang. Celui-ci terminé, elle coupe le cordonnet et ferme le trou de contreperçage avec une petite cheville. Une brosse montée main est ainsi reconnaissable à ses trous bouchés à l’extrémité de la monture. Sur une monture en bois sombre, ils peuvent être fermés par des chevilles claires.

Pour les brosses à cheveux, le montage main permet d’effiler les soies. En prenant une pincée, la monteuse les fait rouler entre ses doigts, elle étage les soies, crée différentes longueurs. Celles-ci rendent la brosse très coiffante car les fibres étagées pénètrent mieux la chevelure.

 

Le montage à la poix

Il existait autrefois un autre procédé de montage manuel des brosses : le montage à la poix. L’extrémité des touffes était trempée dans la poix et elles étaient collées dans la monture percée. Ce procédé ancien était répandu en Angleterre, dans les pays germaniques et dans l’Est de la France. Cet assemblage par collage s’apparente à la fabrication des pinceaux, forme la plus ancienne de brosse.

Le montage à la poix était d’ailleurs courant dans les régions de fabrication de pinceaux, par exemple en Bavière. Ce procédé a décliné aussi au 20ème siècle avec la mécanisation. D’autres substances collantes (par exemple le celluloïd) ont été expérimentées pour fabriquer des brosses.

 

Nos dernières parutions

Les brosses : passé, présent, futur